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Tribunal administratif de Melun, 15 avril 2016, n° 1303900 (Psychiatrie – Soins libres – Suicide – Responsabilité hospitalière – Absence de faute)

  • Date : 15/04/2016
  • Type : Jurisprudences
  • Rubrique : 15. Psychiatrie
  • Thème(s) :
    Depuis la Loi du 5 juillet 2011 - 3- Jurisprudences
M. X. a fait l’objet d’un suivi volontaire pendant cinq mois et demi en tant que patient externe du service de psychiatrie de l’hôpital Y. En novembre 2010, il a décidé d’être suivi au centre médico-psychologique Z. où il a bénéficié de trois consultations au cours du mois de décembre. Le 31 décembre 2010, M. X. a mis fin à ses jours. Le père de M. X. a alors saisi le Tribunal administratif aux fins de condamnation de l’hôpital Y. à lui indemniser le préjudice moral résultant des fautes commises lors de la prise en charge de son fils. Le Tribunal ne retient aucune faute à la charge de l’hôpital, tant dans l’évaluation de l’état de santé de M. X., que dans choix de la méthode thérapeutique ou encore du fonctionnement et de l’organisation du service. Notamment, concernant la prétendue absence de transmission au CMP des tests de personnalité du patient qui aurait eu des conséquences préjudiciables sur sa prise en charge, le juge estime que les psychiatres du CMP ont relevé que M. X. « n’exprimait aucune intention suicidaire nécessitant une mesure d’hospitalisation en urgence sous contrainte et qu’un contact téléphonique a été réalisé avec le psychiatre de l’hôpital Y. afin d’apprécier en temps réel la gravité de l’état du patient ». La requête est donc rejetée.

  

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MELUN


N°1303900


M.  W.


Mme Dégardin

Rapporteur


Mme Edert-Mulsant

Rapporteur public


Audience du 25 mars 2016

Lecture du 15 avril 2016



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par une  requête  et  un  mémoire  complémentaire,  enregistrés  les  16  mai  2013 et 18 septembre 2015, M. W., représenté par Me …, demande au tribunal ;

1°) de condamner l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 20 000 euros, avec intérêts de droit et capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice moral qu’il a subi suite au décès de son fils, X; , suivi dans le service de psychiatrie de cet hôpital ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de  2  000  euros,  au  titre  de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-    la responsabilité du centre hospitalier est engagée pour faute médicale et pour défaut d’organisation du service dans la prise en charge de son fils, X;  
-    durant son suivi, aucun diagnostic, ni aucun protocole de soins n’a été posé ;
-    la gravité de l’état de son fils a été minimisée, ce qui constitue une erreur de diagnostic ;
-    au regard de son état de santé, les consultations externes auraient dû être rapprochées et une hospitalisation aurait dû être prescrite ;
-    l’hôpital n’a pas informé la famille de l’état du patient ;
-    la transmission du dossier médical de l’hôpital Y. au centre médico-psychologique (CMP) de … s’est faite avec un retard préjudiciable et les tests de personnalité réalisés par son fils n’ont jamais été transmis au CMP.
 
Par des observations, enregistrées le 5 janvier 2016, la caisse primaire d’assurance maladie de Paris indique qu’elle n’a pas de créances à faire valoir dans la présente instance.

Vu :

-    le  jugement  avant  dire  droit  en  date  du  3  octobre  2014  par  lequel  le  tribunal administratif de Melun a prescrit une expertise médicale ;
-    le rapport d’expertise du Dr … enregistré au greffe du tribunal administratif de Melun le 4 septembre 2015 ;
-    l’ordonnance du 3 novembre 2015 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Melun a liquidé et taxé les frais et honoraires du Dr … à la somme de 1 500 euros ;
-    les autres pièces du dossier et notamment, les productions antérieures au jugement avant dire droit.

Vu :

-    le code de la santé publique ;
-    le code de la sécurité sociale ;
-    le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :

-    le rapport de Mme Dégardin,
-    les conclusions de Mme Edert-Mulsant, rapporteur public ;
-    et les observations de Me Harari substituant Me … pour M.  W.



1.    Considérant que M. X a fait l’objet d’un suivi volontaire pendant cinq mois et demi en tant que patient externe du  service  de  psychiatrie  de  l’hôpital Y.; qu’en novembre 2010, il a été décidé qu’il serait suivi au centre médico-psychologique (CMP) de … où il a bénéficié de trois consultations au cours du mois de décembre 2010 ; que le 31 décembre 2010, M. X;  a mis fin à ses jours ;

2.    Considérant que, par un jugement avant dire droit du 3 octobre 2014, le tribunal a, à la demande du requérant, ordonné une expertise, confiée au Docteur …, psychiatre ; que ce dernier a rendu son rapport le 31 août 2015 ; que, par la présente requête, M.  W., père de la victime, demande au tribunal de condamner l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à l’indemniser du préjudice résultant des fautes commises lors de la prise en charge de son fils dans le service de psychiatrie de l’hôpital Y. et au sein du CMP …, établissements relevant de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ;
 


Sur la responsabilité de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :

3.    Considérant qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique :
« I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute (…). » ;

4.    Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise  ordonnée  par  le  tribunal,  que  le  diagnostic  posé  par  le  psychiatre  de l’hôpital Y. de pathologie dépressive sur un trouble de la personnalité qualifiée de « personnalité état limite » était licite ; que M.  W.  soutient que le centre hospitalier aurait dû prendre  en   compte   les   résultats   des   tests   psychologiques   effectués   sur   son   fils le 22 novembre 2010 et faisant état d’un  possible passage à l’acte ; que, toutefois, l’expert indique que ces tests, qui n’ont qu’une finalité descriptive et ne constituent pas un diagnostic ponctuel, ne pouvaient être interprétés comme un signe d’aggravation de l’état de santé du patient impliquant une modification de l’attitude thérapeutique ; qu’en l’espèce, au cours de son suivi à l’hôpital Y, le fils de M.  W.  s’est vu administrer un traitement médicamenteux qui était adapté à sa pathologie, son état s’améliorant progressivement et justifiant des consultations externes plus espacées ; que, dans ces conditions, le comportement de M. X;  ne présentait pas de signes alarmants d’urgence suicidaire de nature à envisager une indication d’hospitalisation ni, a fortiori d’hospitalisation sous contrainte, alors qu’il résulte de l’instruction que l’intéressé se serait d’ailleurs opposé à toute hospitalisation ;

5.    Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et en particulier du rapport d’expertise, que le délai de transmission du dossier de X;  a été conforme aux délais habituels et qu’en tout état de cause le psychiatre du CMP de ... a pris attache téléphonique auprès du psychiatre référent au sein de l’hôpital Y. , qui l’a informé du diagnostic de troubles de la personnalité du patient et de la difficulté à organiser les soins ; que si M.  W.  soutient que l’absence de transmission des tests de personnalité de son fils a eu des conséquences préjudiciables dans sa prise en charge au sein du CMP, l’expert précise que ces tests ne sauraient se substituer à une appréciation clinique du risque suicidaire ; que, par suite, la circonstance que ces tests n’aient pas été transmis au CMP n’a pas eu incidence sur la prise en charge de M. X;  dès lors qu’il résulte de l’instruction qu’au cours des deux entretiens médicaux réalisés les 22 et 27 décembre 2010, les psychiatres du CMP ont relevé que X  n’exprimait aucune intention suicidaire nécessitant une mesure d’hospitalisation en urgence sous contrainte et qu’un contact téléphonique a été réalisé avec le psychiatre de l’hôpital Y. afin d’apprécier en temps réel la gravité de l’état du patient ;

6.    Considérant, en troisième lieu, que l’expert indique que les parents de M.  W.  ont été associés au début à la prise en charge de leur fils ; que si une hospitalisation sous contrainte aurait pu permettre de contacter sa famille, M. X ne présentait, ainsi qu’il a été déjà été dit, aucun paramètre justifiant que lui soit appliqué un tel mode d’hospitalisation privatif de liberté ;
 
7.    Considérant que, compte tenu de ses éléments, aucune faute ne peut être retenue à la charge de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, qu’il s’agisse tant de l’évaluation de l’état de santé de M. X, que du choix de la méthode thérapeutique ou encore du fonctionnement et de l’organisation du service ;

8.    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par M.  W.  doivent être rejetées ;


Sur les dépens :

9.    Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du même code : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens » ; qu’aux termes des deux premiers alinéas l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d’expertise ( …)./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute personne perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties » ;

10.    Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge de M.  W.  les frais de l’expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros, par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Melun en date du 3 novembre 2015 ;


Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11.    Considérant  qu’aux  termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

12.    Considérant   que   ces    dispositions    font    obstacle    à    ce    que l’Assistance publique - hôpitaux de Paris, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M.  W.  la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :

Article 1er : La requête de M.  W.  est rejetée.
 
Article 2 : Les frais d’expertise taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros sont mis à la charge de M.  W.

Article    3    :    Le    présent    jugement    sera    notifié    à    M. W., à l’Assistance publique - hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d’assurance maladie de Paris.